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La banalisation des médias interactifs et sociaux incite les entreprises à remettre à plat la manière dont ils recrutent et fidélisent leurs clients. Les retombées de la crise sur la consommation les y poussent aussi. Etat des lieux et dernières évolutions.

Des consommateurs de plus en plus exigeants dans leurs attentes de reconnaissance individuelle. Un contexte de crise incitant les entreprises à chouchouter davantage leurs clients fidèles et réguliers – ceux qui contribuent le plus à leurs marges.


Ajoutez la banalisation d’Internet et des réseaux sociaux qui multiplient à l’infini les points de contact entre consommateurs et marques. Il est loin le temps où ces dernières s’adressaient à eux via l’affichage et la pub dans les grands médias, radio, télé, presse ou à travers la distribution de points de fidélité et bons d’achat. Pour les spécialistes de la gestion de la relation client (CRM, « customer relationship management ») l’heure est à la remise à plat et à l’« intégration multicanaux ».

Le terme consacré par les professionnels pour évoquer la capacité des marques et enseignes de se doter d’une « vision à 360° » de leurs consommateurs, quels que soient les « canaux » de relations utilisés : centre d’appels, Internet, téléphones mobiles, lieux de vente physiques… « Pour les annonceurs, la problématique, c’est de suivre la migration de la relation client vers l’Internet et le mobile », résume Jean Derreumaux, cofondateur du groupe ETO, venu du marketing direct et qui propose du conseil relationnel et numérique aux grandes enseignes spécialisées (Sephora, Leroy Merlin), à la grande consommation et à l’automobile.

 

Cibler et profiler

Matières premières du CRM, toutes ces données que nous laissons un peu partout, adresses physiques ou électroniques. Et surtout la masse de renseignements sur nos goûts et préférences exprimées à travers le contenu des paniers d’achats sur le Web et dans les Caddies de supermarchés. Sans oublier les messages (« posts ») livrés sur les réseaux sociaux comme Facebook. Cette mine d’informations, des algorithmes mathématiques permettent de les exploiter pour nous « profiler ». Pionniers dans ce domaine, les sites marchands Amazon ou Priceminister sont passés maîtres dans leur utilisation avec ces « recommandations » ciblées : si vous avez aimé ce vin ou ce livre, nos autres clients qui partagent vos goûts ont aussi acheté tel ou tel produit… Bien exploitées, elles permettent d’adresser le bon message au bon moment aux consommateurs, via courrier papier, e-mails ou SMS. On peut aussi utiliser le Web et le mobile pour générer du trafic physique dans les points de vente. Exemple lors des 3 J des Galeries Lafayette. « La géolocalisation permet d’envoyer aux clients qui sont dans le magasin des bons de réduction sur mobiles qu’ils n’ont plus qu’à montrer à la caisse au moment de payer », explique Thibaut Munier, directeur général de l’agence de marketing interactif Mille Mercis.

Dans le luxe, les nouveaux outils informatisés du CRM remplacent les « petits carnets noirs » dans lesquels les vendeurs notaient scrupuleusement les achats de chaque client. Si certains s’inquiètent du côté « big brother » de cette collecte d’infos, les spécialistes font valoir que ce marketing client ultra-ciblé a des contreparties positives : la fin des mailings inutiles et coûteux, par exemple. Pratiqué par les constructeurs automobiles et les marques de vins et spiritueux, l’envoi de luxueuses plaquettes sur papier glacé « représente un investissement de l’ordre de 6 à 12 euros pièce. En pure perte si cela arrive chez un consommateur qui ne conduit plus ou qui ne boit pas », relève Nathalie Lemonnier (ex-LVMH), qui a créé Lemon Think. Jean Derreumaux constate aussi que « ces nouveaux outils permettent de mesurer bien plus finement qu’avec la pub l’efficacité commerciale et le retour sur investissement de chacun des messages adressés à un client ». A condition bien sûr de ne pas perdre le fil et « de toujours bien identifier le client unique derrière la multiplicité de ses points de contact avec la marque ». Un élément de complexité accrue pour les entreprises, puisque les clients relèvent de la compétence de plusieurs de leurs services : informatique, contrôle qualité, marketing, etc.

Quelle que soit la marque ou l’enseigne, désormais, le premier contact est désormais numérique : site Web, mobile, forums, blogs, réseaux sociaux. « C’est la colonne vertébrale. L’entreprise doit s’y préparer en créant des plates-formes de contenus divers : informations à usage local ou mondial, images, vidéos… et en veillant à la cohérence du message à travers les trois grands volets de la relation client : le transactionnel, le relationnel et l’expérience de la marque, avec des « concept stores » dont l’objectif n’est que marginalement la vente et qui servent avant tout à refléter son univers et ses valeurs », estime Eric Falque, vice-président chargé du CRM chez BearingPoint, un grand du conseil en management et technologies. D’où le rôle central joué par l’architecture et le design dans la conception de ces « flagship stores ».

Exploiter les médias sociaux

Les marques n’ont pas tardé à avoir une présence et des communautés de fans qu’elles animent sur les réseaux sociaux type Facebook. Défilés de mode présentés en live (Louis Vuitton), soirées VIP, annonces d’événements et d’opérations de « street marketing » relayés sur le site (Victoria Secret, Yves Saint Laurent)… Un bon vecteur de fidélisation et de recrutement de clients. Mais que faire vis-à-vis des échanges qui échappent à tout contrôle ? Un tiers des conversations sur ces sites sociaux portent sur des produits et des marques, et constituent le « C2 C », autrement dit les liens de consommateur à consommateur. La vraie révolution. Qu’il serait illusoire d’espérer contrôler, d’autant que ce C2C a plus de valeur aux yeux des consommateurs qu’une information « officielle ». Les spécialistes de la relation client proposent des outils d’alerte et de réponse immédiate. « Utile pour enrichir sa base de données clients et se doter d’un baromètre sur la marque », relève Tom Pertsekos, directeur marketing de l’éditeur de logiciels Coheris.

Valérie LEBOUCQ
Les Echos